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Marsad Majles
  • Audition d'experts en droit constitutionnel concernant le projet de loi organique N°48/2015 relatif à la Cour Constitutionnelle et la proposition de loi organique N°38/2015 relative à la Cour Constitutionnelle
L'heure prévue pour la début de session : 09:30
Début de la session 10:05
Fin de la session 15:17
Heures de retards 45mn
Taux de présence 71.43%

La commission de la législation générale s’est réunie en date du Lundi 21 Septembre 2015 à partir de 10h05 pour auditionner des experts professeurs d’enseignement supérieur et spécialistes en droit constitutionnel concernant les initiatives de lois relatives à la Cour Constitutionnelle: Le projet de loi organique N°48/2015 relatif à la Cour Constitutionnelle et la Proposition de loi organique N°38/2015 relative à la Cour Constitutionnelle soumise par des députés.

Les experts auditionnés sont : Amine Mahfoudh, Neji Baccouche et Ridha Ben Hammed.

Abada Kefi (Nidaa Tounes) soulève tout d’abord la question de la priorité des textes.

Amine Mahfoudh (Expert) :

À mon avis ce point ne pose pas problème, pour trouver la réponse on revient d’abord à la Constitution mais on a aussi la jurisprudence.

À mon avis l’article 62 de la Constitution est clair, celui-ci a explicitement accordé la priorité aux projets de lois, il n’y a pas de confusion sur ce point.

La commission de la législation générale doit se conformer à cette règle constitutionnelle, quand le projet de loi est soumis à l’Assemblée celui-ci a la priorité.

En ce qui concerne l’interprétation de la Constitution c’est l’anarchie, il faut donc revenir à l’organe compétent en la matière qui est l’Instance Provisoire de Contrôle de la Constitutionnalité des Projets de Lois (IPCCPL).

Le texte soumis en plénière doit l’être soit en tant que projet de loi   soit en tant que proposition de loi mais pas les deux en même temps, ça rentre dans le cadre du respect du droit constitutionnel procédural. 

Neji Baccouche (Expert) :

La Constitution de 2014 a consacré une différenciation entre le projet de loi et la proposition de loi.

Dans la doctrine comparée, les procédures en cette matière sont importantes. 

La complexité soulevée ici vient du fait que la commission a déjà commencé l’étude de la proposition de loi avant que le projet de loi ne soit soumis d’où est né ce problème de priorité sinon la priorité aurait été au projet de loi c’est sûre.

La différenciation entre le projet de loi et la proposition de loi est très importante, si le projet est considéré non constitutionnel à cause d'une mauvaise interprétation de la priorité, vous devrez tout refaire tout le projet dès le début,  il faut prendre ses précautions quant au mélange entre les deux initiatives de loi. 

Abada Kefi (Nidaa Tounes):

Je vais m’éloigner un peu de notre sujet mais pouvez vous me donner la base juridique sur laquelle se base l’IPCCPL pour dire qu’on ne peut pas s’éloigner du projet de loi du gouvernement ou de son esprit comme ça a été le cas avec le Conseil Supérieur de la Magistrature.  

Sahbi Atig (Ennahdha) :

Où est le problème à ce que des députés soumettent des projets de lois ? Tout ce qu’on essaye de faire c’est d’accélérer le travail et à mon avis il est du droit de cette commission de se baser sur la proposition de loi.

Concernant l'un des recours présentés à l'encontre du projet de loi portant sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, quel est notre rôle en tant que députés si on va se limiter à changer des formulations de langue dans un projet de loi sans toucher au fond ?

Habib Khedher (Ennahdha) :

La Constitution prévoit un délai pour la mise en place de la Cour Constitutionnelle, comment interprétez vous ce délai constitutionnel ? Normalement c’est le 26 Octobre mais certains parlent d’un autre délai ? Quel est la base juridique à laquelle se rapportent  ceux qui parlent d’un délai pouvant aller jusqu'au 26 Novembre ?

Comment interprétez vous la priorité ? 

À mon avis du fait que la commission a déjà commencé l’étude de la proposition de loi avant que le projet de loi n’ait été soumis, la priorité ne tient plus.

Latifa Habachi (Ennahdha):

Ma question est relative au contenu de la loi portant sur la Cour Constitutionnelle.

Est-ce que cette loi porte sur le travail gouvernemental et dans ce cas on peut dire que les députés n’ont pas à se prononcer sur la question, ou est-ce que c’est une loi qui s’inscrit dans le cadre de la mise en place des institutions constitutionnelles ? 

Les députés ont fait un effort extraordinaire et ont élaboré une proposition de loi malgré les ressources limités qu’ils ont.

Noureddine Ben Achour (Union Patriotique Libre) :

L’IPCCPL a dit que la commission s’est trop éloignée du projet de loi du gouvernement initial, qu’est ce qu’on est supposé faire ? Faire passer des projets de lois sans aucun changement ?

Si l’IPCCPL a jugé le projet de loi comme inconstitutionnel pour vice de forme pourquoi a-t-elle poursuivie l’étude du reste des articles ? 

Sameh Bouhaouel (Nidaa Tounes):

Par rapport à la question de la priorité des projets de lois est-ce qu’il peut y avoir des interprétations larges et des interprétations restreintes ? C’est ce que j’ai compris à travers ce qu’à dis Monsieur Habib Khedher

J’aimerai connaître votre avis sur la question notamment si il existe des exemples similaires en droit comparé.

Ridha Ben Hammed (Expert) :

À mon avis la priorité est aux projets de loi avec une prise en considération d’autres éléments tel que le droit comparé, les propositions de lois etc. surtout dans ce cadre de transition démocratique où on doit enrichir les projets de lois en prenant en compte les différends avis et toutes les opinions.

Amine Mahfoudh (Expert) :

Le gouvernement ayant la confiance du parlement a un programme et assume ses responsabilités dans l’application de ce programme. 

Les députés ont le droit à la proposition législative bien-sûr mais à mon avis il faudrait se baser sur le projet de loi du gouvernement en prenant en compte d’autres avis mais sans mélanger les deux textes.

Neji Baccouche (Expert) :

Il faut qu’on dépasse cette problématique relative à la priorité sinon ça risque d’avoir de mauvaises répercussions sur les délais constitutionnels, à mon avis la priorité n’est pas une priorité dans le temps.

Le texte de base ne peut pas être un mélange entre le projet de loi et la proposition de loi.

En lisant les deux initiatives de loi on voit qu’il n’y a pas de différences fondamentales entre les deux et je pense qu’on doit dépasser ce problème.

Ridha Ben Hammed (Expert) :

J’ai dis que la priorité était au projet de loi mais ceci n’empêche pas la prise en compte et en considération de la proposition de loi. 

Neji Baccouche (Expert) :

Une rivière de recours va tomber sur la Cour Constitutionnelle et celle-ci va se retrouver immergé de tout ça. Il faut donc absolument consacrer des mécanismes de filtration des recours voire même au niveau des hauts tribunaux comme c’est le cas en France.

Il y a une clarification à faire : Le contrôle de la Constitutionnalité par la Cour Constitutionnelle porte sur les articles concernant lesquels il y a recours ou est-ce un contrôle portant sur tout le projet de loi dans son intégralité ?

Si on parle d’un contrôle sur tout le projet de loi le texte sera considéré constitutionnel une fois pour toute, par contre si le contrôle porte seulement sur des articles précis au sujet desquels il y a eu recours, ça laisse la porte ouverte à d’autre recours concernant le même texte dans un temps futur.

Ridha Ben Hammed (Expert) :

Concernant la composition de la Cour Constitutionnelle, 4 membres se font élire par l’Assemblée des Représentants du Peuple à la majorité des deux-tiers (2/3), c’est une bonne majorité car elle permet aux députés de rester indépendant des majorités partisanes.

Il faut prévoir des mesures en cas de blocage, pour les situations dans lesquelles la majorité des 2/3 ne peut pas être atteinte et ce en diminuant la majorité par exemple au 3ème ou 4ème tour.

Je propose que les 3 spécialistes soient les suivants: Un juge judiciaire, un juge administratif et un juge financier, car la Cour Constitutionnel étudie des projets de lois de tous les points de vue et la présence des 3 types de juges enrichira le travail de la Cour Constitutionnelle.

L’expression de «juge constitutionnel» doit être explicitement mentionnée dans le texte. Le statut de juge doit être mentionné surtout que nous avons mentionné l’immunité et celle-ci doit être identique à l’immunité des membres de l’Assemblée. 

Abada Kefi (Nidaa Tounes) :

Le juge ne peut pas travailler sans Greffier en Chef, est-ce qu’on les mentionne eux aussi dans la loi ? Ce point s’inscrit dans le cadre de la loi ou dans le cadre du Règlement Intérieur de la Cour ?

Ridha Ben Hammed (Expert) :

Normalement cela s’inscrit dans le cadre du Règlement Intérieur mais vu l’importance de la fonction du Juge Constitutionnel ça devrait être mentionné dans la loi.

Il faut prévoir plus de garanties en ce qui concerne le fait de mettre un terme aux fonctions d'un membre de la Cour Constitutionnelle.

Concernant les prérogatives : La loi organique devrait prévoir la possibilité pour la Cour Constitutionnelle de demander l’avis de la Cour Suprême spécialisée dans le cadre de l’étude de la constitutionnalité des Lois comme c’est le cas en Allemagne.

En Tunisie comme en Allemagne, quand on fait recours pour inconstitutionnalité la loi va directement devant la Cour Constitutionnelle contrairement à la France où la loi est soumise à la Cour de Cassation ou au Conseil d’État.

Il y a peut-être certaines prérogatives qui ont été donné à la Cour Constitutionnelle et qui auraient du être octroyées à l’Assemblée.

Il faut prévoir explicitement l’indépendance de la Cour Constitutionnelle de tous les autres pouvoirs de l’État, même si ça fait parti des évidences, il faut le dire.

Amine Mahfoudh (Expert) :

La philosophie du texte est telle que cette Cour Constitutionnelle doit avoir un statut très distingué, n’importe qui ne peut pas en faire partie, elle ne doit pas être pas influencée par les pressions politiques. 

L’article 1er du projet de loi est très important.

Ghazi Chaouachi (Courant Démocratique) :

Pourquoi ne pas permettre à la Cour Constitutionnelle de s’autosaisir ? 

Il faut fixer les mécanismes de recours de manière détaillée, pourquoi ne pas permettre aux tribunaux de filtrer les recours au moins en ce qui concerne la forme. 

Concernant la commission de filtrage, il en faut plusieurs et il faut lui donner la possibilité de refuser des recours du point de vue formel et procédural.

À quel niveau est-ce qu’on peut faire recours pour inconstitutionnalité ? Au niveau du tribunal de 1ère instance, de la cour d’appel ou de la Cour de Cassation ?

L’arrêt d’application des lois est très dangereux à mon avis,  on  pourrait se retrouver devant une situation de vide législatif.

Latifa Habachi (Ennahdha) :

Je voudrais soulever un problème concernant les jugement en référé, est-ce possible de prévoir une exception pour ce cas ?

C’est à dire qu’on les sorte du contexte de la possibilité de suspendre l’affaire.

Sinon je suis contre le caractère secret des audiences de la Cour, je suis pour le caractère public.

Rim Mahjoub (Afek Tounes) :

J’aimerai rappeler que la proposition de loi que nous avions soumis à l’Assemblée des Représentants du Peuple concernant la justice transitionnelle n’a pas été prise en considération, 6 mois sont passé sans que la proposition n’ait été touché en attente du projet de loi du gouvernement.

 Sameh Bouhaouel (Nidaa Tounes) :

J’aimerai connaître les chances qu'un député pour faire partie de la Cour Constitutionnelle.

Levée de la réunion de la commission de la législation générale à 13h10 et reprise à 15h le même jour.

À la reprise de la réunion les experts ont répondu aux différentes questions déjà évoquées par les députés et ont soulevé différends points qu’ils jugent pertinents :

Neji Baccouche (Expert) :

Cette loi va organiser le contrôle de la constitutionnalité comme le renvoie par voie d’exception.

Il y a une possibilité d’accorder un des niveaux de filtrage des recours aux hauts tribunaux.

Abada Kefi (Nidaa Tounes) :

Le filtrage que vous voulez mettre en place se ferait en refusant le recours pour vice de forme ou de fond ou le non sérieux du recours donc un refus des recours basé sur l’une des raisons précitées mais le refus du recours voudrait dire à contrario et implicitement que cette loi est alors constitutionnelle.

Amine Mahfoudh (Expert) :

Ici il y a deux possibilités : La possibilité d’accorder le contrôle du sérieux des recours pour inconstitutionnalité aux hauts tribunaux comme c’est le cas en France (Cour de Cassation et Conseil d’État) ou l’autre possibilité où les juges du fond n’ont pas le droit de statuer sur la recevabilité des recours pour inconstitutionnalité et le rôle des tribunaux se limite à soumettre automatiquement le recours pour inconstitutionnalité à la Cour Constitutionnelle.

D’après ce que j’ai lu dans les initiatives de lois, en Tunisie les tribunaux doivent soumettre automatiquement les recours pour inconstitutionnalité à la Cour Constitutionnelle. 

Le filtrage se fait au niveau de la Cour Constitutionnelle.

Mais gardez en tête que la période d’immersion de la Cour Constitutionnelle par les recours n’est que passagère. 

Par rapport à la suspension de l’affaire en cours du fait d'un recours pour inconstitutionnalité je pense qu’il doit y avoir quelques exceptions dans certains cas notamment pour les procédures de référés. 

Abada Kefi (Nidaa Tounes) :

Ce que vous dites est dangereux et si jamais l’affaire se poursuit, que la Cour de Cassation émet un avis final à la base d’une loi et que la Cour Constitutionnelle juge cette loi comme inconstitutionnelle après ? C’est dangereux, imaginez que quelqu’un soit condamné à la prison en vertu d’une loi qui se révèle ensuite inconstitutionnelle !

Amine Mahfoudh (Expert) :

Prenez le comme une règle : Dans le contrôle de la constitutionnalité des lois tous les choix possibles comportent des points négatifs et entraînent avec eux certains problèmes.

Abada Kefi (Nidaa Tounes) :

Je préfère alourdir la Cour Constitutionnelle de recours que de toucher aux droits des gens. 

Neji Baccouche (Expert) :

Gardez à l’esprit que le nombre des lois anticonstitutionnelles en Tunisie est innombrable.

Ridha Ben Hammed (Expert) :

La Constitution nous apporte des réponses dans son article 120 à partir duquel on peut dire que la seule institution habilitée en matière de filtrage des recours c’est la Cour Constitutionnelle. 

Le recours direct pour inconstitutionnalité ne peut se faire qu’après avoir fait recours devant tous les tribunaux (Tribunal de 1ère Instance, Cour d’Appel et Cour de Cassation) et c’est seulement à ce moment que des recours peuvent être présenter devant la Cour Constitutionnelle.

À mon avis en cas de recours par voie d’exception il faut suspendre l’affaire en cours surtout que le délai imposé à la Cour pour statuer n’est pas très long. 

Amine Mahfoudh (Expert) :

Si les députés présentent une motion motivée pour mettre fin au mandat du Président de la République en raison d’une violation grave de la Constitution la seule Institution compétente pour statuer sur la question et dire si il y a vraiment eu violation ou pas c’est la Cour Constitutionnelle. 

Certains députés ont parlé de la possibilité de garantir à la Cour Constitutionnelle le pouvoir de s’auto-saisir ce qui aurait pu être une bonne chose. La Constitution n’a pas évoqué cette procédure mais si le législateur peut la mettre en œuvre ça serait une excellente chose. 

J’espère que la Cour Constitutionnelle pourra s’auto-saisir afin qu’elle puisse participer à la purge des textes inconstitutionnels. 

Le problème c’est que la Constitution a limité le pouvoir de recours pour inconstitutionnalité à certains organes et je ne suis pas sûre qu’on puisse en rajouter.

La filtration doit exclusivement rester au niveau de la Cour Constitutionnelle.  

Pensez à donner les mécanismes adéquats qu’il faut à cette Cour car beaucoup de travail l’attend. 

La suspicion de corruption est une notion qui n’a aucun sens dans le cadre d’un État de droit. Le principe est l’innocence de la personne jusqu’à preuve du contraire. 

C’est une notion qui n’est pas claire, incompatible avec le principe de légitimité.

Concernant les conditions de non-cumul je trouve qu’elles sont trop limitatives. Le professeur universitaires par exemple si nommé à la Cour se trouve couper de la possibilité de poursuivre ses recherches et études soit l’oxygène de sa vie.

Il y a un sujet très important qui n’a pas été assez évoqué, la question des conséquences juridiques de la décision de la Cour Constitutionnelle. Le problème ne se pose pas vraiment en cas d’inconstitutionnalité des projets de lois, il se pose surtout pour le cas où la Cour Constitutionnelle est saisie suite à une exception d’inconstitutionnalité d’une loi où si l’inconstitutionnalité se vérifie la constitution prévoie que « l’application de la loi est suspendue », mais qu’est ce que cela veut dire exactement ? 

Les avis divergent sur la question, certains disent que le législateur doit intervenir pour abroger la loi d’autres disent qu’il faut demander à la Cour Constitutionnelle d’expliquer clairement quelles sont les conséquences juridiques de sa décision, c’est le choix adopté par le projet de loi du gouvernement et c’est à mon avis le meilleur choix car chaque loi a sa spécificité, on peut avoir un effet rétroactif pour l’abrogation d’une certaine loi alors que l’abrogation d’une autre loi n’a d’effet qu’à partir de la date de l’émission de la décision de la Cour.

Sameh Bouhaouel (Nidaa Tounes) :

L’abrogation d’une loi suite à l’inconstitutionnalité conformément à la Constitution de 2014 ne peut pas avoir un effet rétroactif car ça pourrait même toucher à des Décrets Beylicaux émis par les Beys auparavant, après tout la république Tunisienne n’a pas commencé en 2014.

Amine Mahfoudh (Expert) :

En matière de contrôle de la constitutionnalité des lois il faut faire la différence entre 2 modèle, le modèle américain et le modèle de Kelsen: Dans le modèle américain le juge n’a pas le pouvoir d’abroger une loi mais seulement de déclarer la constitutionnalité ou l’inconstitutionnalité d’une loi. Il y a d’un autre côté le modèle de Kelsen que nous avons adopté, adopté aussi par l’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche et autres. Dans ce modèle quand la loi est déclarée inconstitutionnelle la Cour l’abroge. 

Chaque choix contient des points négatifs, il vaudrait donc mieux donner à la Cour un pouvoir discrétionnaire en la matière où celle-ci selon le contexte, selon la loi concernée, selon les conséquences possibles sur les droits et libertés, exprime et explique clairement quelles sont les conséquences juridiques de la décision qu’elle a rendue. Il vaut mieux toujours rester dans la flexibilité. 

Abada Kefi (Nidaa Tounes) :

En tant qu’avocat si j’invoque l’exception d’inconstitutionnalité est-ce que j’ai le droit d’aller faire mon plaidoyer devant la Cour ?

Je comprends que la publicité des audiences de la Cour Constitutionnelle ne soit pas évident car il faut du calme pour que la Cour puisse mener ses travaux à bien mais d’un autre côté ça nous porte préjudice à nous. 

Yamina Zoghlami (Ennahdha) :

À mon avis  le caractère public des audiences de la Cour est une garantie qu’on doit avoir. 

Amine Mahfoudh (Expert) :

Je voudrais soulever un autre point qui pose problème : l'opinion dissidente.

Ce mécanisme a marché dans plusieurs expériences mais l’unité de la Cour Constitutionnelle impose à ses membres le travail d’équipe, la minorité qui n’est pas d’accord avec l’avis majoritaire au sein de la cours doit présenter ses arguments et essayer de convaincre les autres en interne, mais il ne faut pas qu’il y ait atteinte à l’unité des décisions rendues par la Cour Constitutionnelle au moins pour les 15/20 années à venir.

Si on permet l’émission d’opinion dissidente, il se peut que cet avis devienne la base et vu la situation du pays cela peut provoquer des manifestations. 

Abada Kefi (Nidaa Tounes) :

L’avis de la Cour Constitutionnelle si il porte sur les procédures devient un avis obligatoire.

Le contrôle de la Cour Constitutionnelle se fait sur les procédures et sur le fond en même temps.

Le président de l’Assemblée des Représentants du Peuple quand il soumet un recours pour inconstitutionnalité à la Cour Constitutionnelle, il soumet le contenu et les procédures en même temps, mais la Cour Constitutionnelle est supposé émettre un avis obligatoire pour les procédures et un avis consultatif sur le fond ?

Yamina Zoghlami (Ennahdha) :

Les députés peuvent soumettre des propositions de révision de la Constitution qui s’avèrent être inconstitutionnelles.

Amine Mahfoudh (Expert) :

Nous pouvons adopter différentes solutions, entre autres la Cour Constitutionnelle peut dire après avoir émis un avis obligatoire concernant les procédures de révision que vu le lien existant entre le fond et les procédures, l’avis sur le fond devrait aussi être obligatoire. Je pense qu’on devrait ne rien prévoir concernant ce point, ça serait  la meilleure chose.

Il ne faut pas avoir le souci de l’excès du formalisme, il faut donner de la souplesse et penser au rôle de la jurisprudence.

Ahmed Seddik (Front Populaire) :

C’est vrai qu'aux États Unis d’Amérique il n’y a pas beaucoup de textes mais ce sont des systèmes complétement différents.  

Ridha Ben Hammed (Expert) :

À mon avis l’article traitant du contrôle de la révision de la Constitution est un bon article car la Constitution dans cet article fait la différence entre le contrôle sur le fond et le contrôle des procédures.

La Cour Constitutionnelle ne peut donner un avis obligatoire que sur les procédures de révision de la Constitution mais la Cour peut considéré la révision de la Constitution comme inconstitutionnelle de par le fait qu’elle touche aux procédures.

La publicité des audiences de la Cour est à mon avis importante en cas de saisine de la Cour suite à une exception d’inconstitutionnalité car les justiciables sont directement concernés par la question, le plaidoyer des avocats qui ont invoqué l’exception d’inconstitutionnalité peut être intéressant à entendre.

On pourrait énoncer le principe de la publicité des audiences de la Cour Constitutionnelle avec des cas exceptionnels où la Cours peut décider le huis clos de ses audiences.

Concernant la récusation, à mon avis une demande en récusation ne peut pas être faite à l’encontre d’un juge constitutionnel dans le cas du contrôle par voie d’action. 

Mais la récusation dans le cadre du contrôle par voie d’exception est possible.

Il faut faire la différence entre le recours par voie d’action ou le contrôle direct, fait par le président de la république ou les députés de l’Assemblée des Représentants du Peuple et le recours pas voie d’exception.

Dans le premier cas, dès que le jugement est prononcé il acquiert la qualité d’autorité de la chose jugée et devient applicable à tout le monde, erga omnes. 

L’article 123 de la Constitution prévoit qu’en cas de recours par voie d’exception « l’application de la loi est suspendue, dans les limites de ce qui a été jugé »

Dans le modèle américain, quand la loi est jugée inconstitutionnelle juridiquement aucun texte ne dit qu’elle est abrogée ou doit l’être mais réellement elle finit par l’être car les tribunaux de degrés inférieurs ne vont pas oser appliquer une loi jugée inconstitutionnelle, la loi de ce fait perd peu à peu sa valeur jusqu’à être amendée ou abrogée.

Dans le modèle de Kelsen, on pense que le modèle américain peut mener à la création d’une inégalité devant la loi alors que le modèle Européen ou de Kelsen assure l’égalité devant la loi. Ceci a mené à l’idée suivante : Les recours pour inconstitutionnalité sont révélateurs d’une chose implicite, si la loi est contestée c’est qu’elle est nulle d’où la consécration de l’effet rétroactif comme une des conséquences juridique d’une décision de la Cour en faveur de l’inconstitutionnalité. 

Dans le cadre de l’effet rétroactif la Cour Constitutionnelle doit intervenir en ce qui concerne les droits acquis et comment garantir ces droits, la Cour Constitutionnelle peut même remettre au pouvoir législatif la tâche d’amender la loi de façon à ce qu’elle ne touche pas aux droits acquis. 

À mon avis la suspension de l’application de la loi dans les limites de ce qui a été jugé ne mène pas explicitement à l’abrogation de la loi mais la Cour en statuant sur l’inconstitutionnalité de la loi laisse ensuite au législateur le champs libre pour faire ce qu’il faut tout en prenant en compte les droits acquis.

L’audition des experts à pris fin à 17h. La réunion de la commission de la législation générale s’est poursuivie à huis clos. Reprise des travaux le lendemain Mardi 22 Septembre 2015 à 09h.